Maîtresse Anger… Je vous en supplie…
Foutez-moi la paix… Tous !
Mais…
Pas le temps !
D'un geste irrité, je repousse la main du domestique, écartant par là même le risque représenté par son pinceau un peu trop tremblotant à mon goût. Sans mot dire, je m'en empare prestement, me penche sur le miroir, et expédie un maquillage un peu trop long à mon goût en colorant le coin de mes yeux d'une délicate teinte rouge.
L'homme "chargé" de mon apparence prend un petit air penaud. Je lui réponds en haussant un sourcil, l'air moqueur.
Tu t'en remettras. Rappelle-toi que tu es au service de la Colère… Pas d'une catin de campagne.
Je rajuste rapidement mon kimono noir, tourne les talons, et m'en vais sans plus de cérémonies. Greed m'attend.
Non pas que je ne sois tentée d'abuser de sa patience. J'ai presque envie de le faire mariner un peu… Il est l'Avarice. Le temps, l'argent, toutes ces conneries… Cela m'aurait amusée.
Mais non. Pas cette fois.
Disons qu'il est grand temps que je le remette à sa place, ce binoclard mégalo. Je ne sais que trop ce qu'il me veut. Son plus grand désir à mon endroit serait de grignoter mon territoire, de le presser jusqu'au cœur, et d'en tirer un maximum d'argent. Toujours, toujours, l'argent. C'est d'un ennui… Bref. Mais je dois avouer que tout cela m'intrigue. C'est qu'il a insisté, ce débile. Il m'a envoyé une flopée d'émissaires… Tous plus minables les uns que les autres. Pitoyables. Je leur ai appris la diplomatie… A ma façon. Je crains juste que les poissons de la rivière ne choppent une quelconque saloperie.
Mais bon.
Le dernier a eu plus de chance que ses prédécesseurs. Greed n'allait pas me laisser en paix. Et m'amuser avec ses petits soldats de carton commençait à me lasser. Autant régler ça le plus vite possible. Je l'ai donc renvoyé chez son mac' avec un petit message en prime. En substance : d'accord pour la rencontre, mais bouge tes fesses.
Je franchis enfin le seuil principal de l'usine (où me suis-je donc maquillée ? si vous désirez le savoir, dans mon bureau… Classe, non ? bref) . J'avance avec une volonté qui ne souffre aucun obstacle. Il y a du monde… Mais les membres de mon clan sont assez futés pour se pousser devant moi.
Je hausse un sourcil. Salut p'tit frère.
Et toi, toujours cet irrésistible petit air de martyr. Ne t'approche pas trop de moi, je crains de pas pouvoir m'empêcher de t'en coller une… En mémoire du bon vieux temps.
Petit clin d'œil, accompagné de quelques rires venant de mes rangs. Ceux d'Ikari ne respectent pas vraiment les dépositaires de l'Avarice. Nous avons toujours un peu tendance à les voir comme des petits crabes avides s'agitant en tous sens, sans aucune classe.
Aurais-tu peur, petit frère ? C'est pas une réunion de boy-scouts, je te rappelle…
Je jette un regard méprisant à la horde de mâles groupés derrière mon frère. Ils osent porter des armes, sans pour autant se revendiquer d'Ikari ? J'émets un petit son désapprobateur, et esquisse un petit geste de la main. Aussitôt, le silence se fait derrière moi. Une douzaine de femmes font un pas en avant, et se campent à mes côtés, et toisent l'Avarice avec une juste dose de dédain.
A la fois mon élite, ma garde rapprochée, cette poignée de combattantes représente en quelque sorte… les dignitaires de la Colère. A mon avis, la délégation de l'Avarice mérite bien cette sécurité supplémentaire… Je n'aime pas l'idée qu'il soit venu avec tant d'hommes, armés de pied en cap. Il s'apprête à dire, ou faire, quelque chose de risqué. Pour lui.
Sandayu, Sayuri, montrez donc le chemin à Yokubari.
Avec une agilité déconcertante, deux créatures, identiques en tous points –mêmes longs cheveux noirs, même visage androgyne percés d'un regard de jais, même tunique bleue sombre-, se glissent derrière Greed. Les jumeaux posent en parfaite symétrie leur main sur la garde de leur arme.
Bienvenue, Greed.
Direction ? Mon bureau.